Préambule
Notre action est de célébrer la présence de la France dans les îles australes par la commémoration de l’Expédition Mouchez qui permit, grâce à l’Académie des sciences et avec le précieux concours de la Marine Nationale, le 09 décembre 1874 l’observation du transit de Vénus devant le soleil depuis l’île Saint-Paul.
Il se décline sous différents aspects pour lesquels nous avons déjà pris attache avec le Cabinet de Madame Jeanblanc-Risler, Préfète, Administratrice Supérieure des Terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF). Lors de nos échanges avec cette administration nous avons pu convenir de la faisabilité des éléments présentés ci-dessous, pour certains desquels il reste encore cependant des autorisations, des validations finales, et du travail sur le contenu à produire.
De façon générale, notre méthode de travail est la co-construction avec les parties-prenantes, des différents éléments pratiques de ce projet qui nous tient à cœur. Le volet communication sera également co-piloté, chaque partie ayant la possibilité de solliciter ses réseaux de diffusion.
Présentation du projet
Nous souhaitons commémorer le succès de la mission portée par la France et confiée au Capitaine de Vaisseau Ernest Mouchez (grand-père de notre grand-mère maternelle), devenu finalement l’« Amiral Mouchez », qui permit l’observation du transit de Vénus devant le disque solaire sur l’île Saint-Paul le 09 décembre 1874 .
Notre volonté est de rendre hommage à la présence Française dans les terres australes, isolées, préservées, protégées, ainsi qu’aux moyens déployés désormais par la nation pour le maintien d’une présence humaine permanente. Au-delà de notre volonté de célébrer notre aïeul, nous souhaitons rendre hommage aux TAAF, à l’histoire de ces territoires, à la Marine Nationale, et à l’histoire des sciences dans leur ensemble, qui y ont été, et y sont encore, étudiées. Nous souhaitons mettre également en avant un épisode glorieux de notre pays, et faire état de la richesse de notre patrimoine maritime, historique et scientifique. Nous souhaitons également faire la part belle à l’Astronomie, science si chère au cœur de notre aïeul, qui l’a mené à la Direction de l’Observatoire National.
L’observation de 1874 eut un grand retentissement international à l’époque, qui permit à la France de se placer en tête des nations scientifiques, astronomiques, et maritime. Si la prise de possession de l’île Saint Paul devait intervenir ultérieurement le 13 octobre 18921, la présence de notre aïeul et le succès de la mission ont posé des jalons pour l’implantation de la souveraineté nationale sur ces îles convoitées par d’autres nations.
Élements historiques et interets d’une commemoration
Mouchez s’entoure de son second et ami depuis presque quinze ans, le Lieutenant de Vaisseau Frédéric Turquet de Beauregard (1835-1906), Officier aussi versé que lui dans les observations astronomiques. Ils sont accompagnés du Capitaine Charles Velain (1845-1925), Géologue placé par la Sorbonne ; du Médecin de la Marine Nationale de 1ère classe E. Rochefort ; Du Botaniste De L’Isle placé par le Muséum national d’histoire naturelle ; d’Achille Cazin, un Professeur de physique du lycée parisien Fontanes et membre du Club Alpin Français, chargé des mesures de magnétisme et de la photographie.
Monsieur Lantz, naturaliste conservateur du musée de Saint-Denis, imposé par le gouverneur de l’île de La Réunion, s’associera à cet équipage lors de la dernière étape du voyage avant l’arrivée à Saint-Paul. L’équipage est donc constitué de sept Officiers et scientifiques, auxquels s’ajoutent quatorze marins spécialisés (deux ajusteurs, cinq charpentiers et forgerons, quatre matelots de profession, un boulanger, un cuisinier et un ouvrier maçon).
« Le passage de Vénus devant le disque solaire est toujours un événement exceptionnel pour les astronomes. Le phénomène est rare puisque les transits surviennent par paires espacées de huit ans. Ces couples d’événements sont eux-mêmes séparés, une fois de 122 ans, l’autre de 105 ans – le tout formant un cycle de 243 ans puisqu’il se répète quatre fois tous les 243 ans dont deux fois à huit ans d’intervalle (passages en 1761-1769, 1874-1892, 2004-2012). Les prochains alignements Soleil-Vénus-Terre se produiront en 2117 et 2125, puis en 2247 et 2255….
Le passage de 1874 donna lieu à une importante effervescence dans les milieux scientifiques et de nombreux sites d’observation de par le monde furent choisis par les grandes nations. Parmi ceux-ci Kerguelen en fut un très fréquenté ; en effet pas moins de trois missions y séjournèrent durant l’été austral 1874-1875 : la mission anglaise du Volage s’installa en baie de l’Observatoire, la mission américaine du Swatara choisit la pointe Molloy et enfin, la mission allemande de la Gazelle séjourna à l’anse Betsy.
La France envoya quatre missions pour l’observation du phénomène : une à Pékin dirigée par le Lieutenant de Vaisseau Fleuriais, une à Yokohama dirigée par M. Janssen, un autre à l’île Campbell confiée à l’ingénieur hydrographe Bouquet de la Grye et enfin la dernière à l’île Saint-Paul sous la direction du Capitaine de Vaisseau Mouchez, astronome, hydrographe et membre du bureau des longitudes. ».
Cette observation a permis de fixer la connaissance de la parallaxe solaire (parallaxe horizontale du soleil) et l’accès direct aux distances entre les planètes dans le système solaire. La parallaxe solaire est un petit angle d’un grand triangle rectangle céleste ayant le rayon de la Terre comme côté opposé et la distance entre les centres de la Terre et du Soleil comme hypoténuse. La connaissance de cet angle fixe donc la distance au Soleil si l’on connaît le rayon terrestre.
Le succès scientifique de la mission peut, il est vrai, être considéré comme relatif du fait des difficultés rencontrées avec les chronomètres. Mouchez se basait sur la méthode des fusées pour son étude sur la marche des chronomètres et il lui fallut plus de 30 observations de la distance lunaire pour caler les instruments.
Nonobstant cette volonté de précision et la rigueur scientifique de l’homme, il sera tout de même nécessaire de faire la synthèse des mesures de 1874 et des nouvelles mesures prises lors du transit de 1892 pour fixer définitivement la parallaxe horizontale solaire et donc les distances entre les planètes du système solaire. Il faut noter que l’expédition Française à Saint-Paul emportait des instruments précis pour l’époque et s’inscrivait de plus dans le champ de l’innovation et de la modernité par la présence d’appareils photographiques. La photographie astronomique, chère à Ernest Mouchez n’en était qu’à ses tout débuts.
Cazin et Rochefort réalisèrent 489 clichés photographiques du passage de Vénus. Mouchez, Turquet et Velain firent les observations astronomiques et dessinèrent le halo de Vénus. Le phénomène ayant été observé dans sa totalité avec la précision attendue, les membres de l’expédition pouvaient être fiers de satisfaire aux critères scientifiques et rapportèrent en France malgré tout, une documentation riche.
« En résumé, l’observation a été très bonne et prodigieusement heureuse car, à peine avais-je observé le passage du Soleil pour régler les chronomètres que la pluie à verse recommençait pour durer toute la soirée. Cependant, ce soir, entre 8 heures et minuit il y a eu deux ou trois éclaircies qui m’ont permis d’observer trois ou quatre étoiles pour contrôler le Soleil. Je viens de rentrer fatigué d’avoir attendu quatre heures pour avoir trois étoiles en refermant ma cabane tous les quarts d’heure pour la pluie. Éreinté surtout des émotions de la journée. Je suis extrêmement heureux pour la commission qui aura fait ses frais. Minuit et demi. La pluie fouette mes vitres avec violence. Il vente le diable. Quelle journée singulière ! »
Citation datée du 09/12/1874 extraite du journal d’Ernest Mouchez à l’île Saint-Paul.
Si le succès scientifique peut être relativisé, le succès du point de vue du prestige de la France sur la scène scientifique et technologique internationale ne peut être démenti. L’époque était à la compétition internationale dans les suites de la guerre de 1870, chacune voulant se montrer une nation scientifique, technique, et rayonnant dans l’exploration du monde. La médiatisation internationale du succès de cette expédition a été importante car c’est la seule expédition de 1874 qui a pu observer le phénomène dans sa totalité, mais également par l’exploit constitué du fait même d’avoir pu réaliser une telle entreprise et de l’avoir menée à bien. L’Académie des Sciences, qui avait mis en route la logistique a favorisé également une médiatisation nationale d’importance, d’autant plus facilitée qu’Ernest Mouchez était un héros de la défense du Port du Havre quelques années auparavant.
Ainsi, la mission Saint-Paul a permis à la France de conforter sa place dans le concert des grandes nations scientifiques. En effet, cette expédition représente ce que l’on nommerait aujourd’hui de la « Deep-science », mobilisant beaucoup de monde, de gros moyens matériels et humains, et l’intervention de l’Etat, depuis les préparatifs jusqu’à l’acheminement maritime des instruments et des hommes. Expédier au diable vauvert dans les quarantièmes rugissants, des instruments d’une grande précision, des appareils photographiques, et tout un équipage pour s’isoler 19 semaines sur une île inhospitalière et rude était en soi, pour l’époque, une entreprise audacieuse. Si d’autres nations ont pu réaliser de mêmes exploits en décembre 1874, la hardiesse des Français à se positionner non pas à Kerguelen, bien plus facile d’accès, mais à Saint-Paul fut un pari risqué mais payant. Le récit de cette expédition et notamment les difficultés de débarquement du matériel sont relatées par le Directeur de l’expédition, Ernest Mouchez, à son retour, et illustre les nombreuses inquiétudes et les nombreux périls auxquels l’équipage dut faire face. Cette prouesse permit assurément à la France de s’inscrire comme une grande nation d’exploration et de découvertes, et de poser les bases d’une revendication de souveraineté dans la zone australe de l’Océan Indien et sur l’île Saint-Paul en particulier. Au-delà de l’Astronomie, cette mission de l’île Saint-Paul, a été l’une des plus fécondes en résultats aussi bien pour la zoologie, la botanique que pour la géologie, et valut à son chef, la croix de Commandeur de la Légion d’Honneur (8 juillet 1875) et un fauteuil à l’Académie des Sciences, où il fut élu le 19 juillet suivant, en remplacement de M. Mathieu. La France, par ses Terres Australes et Antarctiques Françaises, s’inscrit encore aujourd’hui dans la continuité de cette entreprise de recherche et d’accroissement des connaissances scientifiques, par le maintien de présence humaine permanente dévolue désormais à l’observation et à la protection de la biodiversité dans ces biotopes isolés et préservés.